Pour obtenir une interview de Sébastien Jean-Joseph, il vaut mieux s’armer de patience. Le chef passe le plus clair de son temps dans les cuisines du restaurant Les Fables de la Fontaine à Paris, il finit son service tous les soirs à minuit et il est rarement sur les réseaux sociaux. « Je connaissais les difficultés du métier, on m’avait prévenu », affirme-t-il. Un rythme de travail soutenu mais nécessaire pour ce Martiniquais.
Il a été admis dans deux des plus prestigieuses écoles françaises de gastronomie
Sébastien Jean-Joseph grandit dans une famille gourmande où on « aime les choses bien faites ». Il salue volontiers les talents culinaires de sa mère et de sa grand-mère. Son intérêt pour la cuisine se forme progressivement mais, soucieux de ne pas se spécialiser trop tôt, il s’oriente vers une filière scientifique. « C’était calculé. J’avais deux options : soit la cuisine, soit la finance », explique-t-il. « Ce n’est qu’à 18 ans, après mon bac, que j’ai fait mon choix ».
En cuisine et en finance, il faut savoir compter et dans ces deux métiers, il n’y a que les ambitieux qui réussissent.
Il passe des entretiens à l’Ecole Ferrandi de Paris et à l’Institut Paul Bocuse à Lyon. La réponse des deux établissements est positive mais il choisit le second. « A Bocuse, les épreuves de sélection sont difficiles car on nous met sous pression face à des chefs. On nous met dans le contexte de ce qu’est la restauration. Mais le cadre est magique, on étudie dans un château ». Après ses trois ans de formation, Sébastien est sélectionné pour participer à l’organisation de la remise de diplômes. Un souvenir marquant : « C’est beaucoup de travail car on cuisine pour 2500 personnes mais le résultat est énorme ». Le jeune homme a des étoiles dans les yeux et, cerise sur le gâteau, l’événement lui offre l’opportunité de rencontrer Paul Bocuse.
Il officie aux côtés de la plus jeune cheffe étoilée de France
Depuis 2013, Sébastien Jean-Joseph évolue aux côtés de Julia Sedefdjian, qui a obtenu sa première étoile Michelin à 21 ans. Le Martiniquais apprend beaucoup, l’ambiance est bonne. « On a une réelle complicité, je touche à la carte ».
La cuisine demande une exigence militaire.
« Si on lâche un jour, on lâche toujours »
Le chef ne le cache pas : l’univers de la restauration est difficile. « C’est dur physiquement et mentalement. On se blesse, on se coupe, on a la pression. Les chefs cuisiniers cherchent la perfection, nous sommes rarement satisfaits. Il faut se remettre en question tous les jours, surtout quand on travaille dans des établissements étoilés ». Rieur, il déclare avoir parfois le sentiment d’avoir « des écailles qui lui poussent sur le dos » aux Fables de la Fontaine, où l’on sert des spécialités de la mer. Cependant, Sébastien se montre déterminé. « Il ne faut rien lâcher », répète-t-il. Pour s’aérer l’esprit, il fait du sport, sort avec ses amis, part découvrir d’autres restaurants « voir ce que font les autres ».
Aux Antilles, on a une culture gastronomique qui est différente de la cuisine ici. Ma formation m’a appris l’excellence à la française.
Et l’avenir ?
Le jeune homme a des projets d’installation aux Antilles, mais pas dans l’immédiat. « Il faut que je grandisse avant, que j’arrive à une certaine maturité ». Il n’exclut pas d’ouvrir un restaurant en Martinique ou de se lancer dans l’organisation.
En attendant, il intervient lors de Masterclasses et a participé en 2016 au premier Martinique Chefs Festival. L’expérience a été enrichissante : « Je me suis rendu compte des difficultés qui existaient, pour l’acheminement des produits par exemple ». Il espère que l’événement sera renouvelé pour que la Martinique trouve sa place dans le paysage gastronomique mondial.