Le tourisme antillais doit faire évoluer son mode de pensée

Lors de rencontres avec des professionnels du tourisme, qu’il s’agisse d’artisans, d’hôteliers, d’agents de voyages, d’offices de tourisme etc…, un élément attire toujours l’attention : leur schéma de pensée. Tous, ou presque, ont en commun de considérer le tourisme de façon assez fragmentée. Cette segmentation apparaît à 3 niveaux : sectorielle, géographique et produit/servicielle.

Le tourisme, tel que nous l’envisageons à VTA Magazine, touche à une multitude de sous-secteurs. C’est ce qui le rend si intéressant et si complexe. Le secteur touristique est lié à la croisière, l’hébergement, les loisirs bien sûr, mais plus largement la politique, les transports, la qualité de vie, l’environnement, le cinéma, le marketing, l’architecture ou même la littérature.

Il est fondamental de ne pas seulement penser en termes d’attractivité pour des visiteurs de passage mais en termes d’attractivité globale. Un touriste ne vit pas dans une bulle composée de brochures publicitaires et de sites de voyages : il est influencé par la musique qu’il écoute, par les marques qu’il côtoie, par ses sorties culturelles. Alors un artiste, un designer ou une exposition peuvent faire pencher la balance en faveur d’une destination.

C’est la raison pour laquelle ici, le choix éditorial est de passer en revue, dans la mesure du possible, des sujets variés. Vous trouvez des sujets liés à l’hébergement, au etourisme, à la gastronomie, etc …et l’ambition est d’aller encore plus loin !

Cassez les murs !

Les professionnels du tourisme ont du mal à adopter cette vision panoramique. Un hôtelier va avant tout penser à l’hôtellerie, en excluant bien souvent d’autres formes d’hébergement dont il peut s’inspirer ou qui peuvent lui faire concurrence.

Symboles criants de cette fragmentation sectorielle : les associations professionnelles. Les restaurateurs avec les restaurateurs ; les hébergeurs avec les hébergeurs ; les croisiéristes avec les croisiéristes…Chacun son camp. Les médias spécialisés tombent également dans ce piège puisque certains ne s’adressent qu’aux agents de voyage, d’autres uniquement aux restaurateurs, d’autres seulement aux offices de tourisme.

En réalité, le tourisme est un écosystème alimenté par de micro-systèmes, eux-mêmes influencés par des cellules en échange constant. Il faut pouvoir provoquer des synergies et des passerelles, parfois inattendues.

Ecosysteme-tourisme

Schéma non exhaustif


Etre « glo-cal »

Les limitations géographiques sont également pesantes. C’est simple, un transporteur terrestre à la Martinique par exemple n’envisage son activité que dans le cadre du transport terrestre (première case) et à la Martinique (deuxième case).

Trop rarement, la prise en compte de l’environnement géographique régional, voire international apparaît, si ce n’est pour se focaliser sur des discours vus et revus (ex : charges sociales, tourisme sexuel qui serait la raison pour laquelle certaines îles plairaient autant…) en omettant d’autres réalités. Il ne s’agit pas nécessairement de copier ce qui se passe ailleurs, mais de voir dans quelle mesure il est possible de s’en inspirer pour le mieux, ou au contraire, d’exporter des pratiques locales ! Un exemple concret : la réalité virtuelle est une des tendances qui, si l’on en croit les experts, pourrait être clé pour le secteur touristique. Peut-être qu’il faudrait, pour les acteurs locaux, envisager d’intégrer cette technologie ?

Au lancement de VTA en 2010, les premiers mois n’étaient consacrés qu’à la Martinique. Et pour cause, c’était le sujet principal de mon mémoire de fin d’études. Rapidement, la nécessité d’élargir au moins à la Guadeloupe s’est fait sentir, l’objectif étant de pouvoir couvrir plusieurs îles de la Caraïbe. Cela nécessite de laisser tomber des oeillères et de changer de perspective.

Ce schéma de pensée isole les Antilles Françaises. Résultat : nombreux sont ceux qui les considèrent comme une entité séparée du reste de la Caraïbe. Dommage.

Au quotidien, j’encourage les acteurs avec lesquels j’échange à penser 360° et glo-cal : ancrés dans leur environnement tout en ayant la capacité à scruter ce qui se passe ailleurs. Si vous faites de la location de voitures en Guadeloupe, alors intéressez-vous à la mobilité au sens large et pas uniquement en Grande-Terre et en Basse-Terre ! Si vous tenez un restaurant à Saint-Martin, regardez ce qui se passe dans le reste de la Caraïbe, aux Etats-Unis, au Brésil en matière de restauration.

Ô diversification !

Deux entreprises viennent à l’esprit pour illustrer la nécessité d’élargir la perspective de certains acteurs du tourisme : Airbnb et Uber. Ces exemples sont faciles et controversés mais ils ont le mérite d’être intéressants.

La plateforme de réservation d’hébergement entre particuliers s’est d’abord positionnée sur une clientèle loisirs. Elle est parvenue à séduire progressivement des voyageurs d’affaires et tisse maintenant des partenariats avec des acteurs établis dans ce domaine. De simple intermédiaire, elle a ensuite proposé aux hôtes de devenir des minis-guides locaux donc développement de la gamme de services. Récemment, ils ont annoncé débuter la construction de leurs premiers établissements. En termes géographiques, Airbnb a peut-être débuté dans la Silicon Valley, mais son empreinte est aujourd’hui mondiale.

Uber, de son côté, a débuté avec des chauffeurs de voitures noires. C’était ce qui venait à l’esprit quand on pensait Uber, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, il en existe des noires, des grises, des blanches etc… Leur offre de services s’est également diversifiée avec le transport partagé, UberEATS etc….

Bien sûr, toutes les entreprises n’ont pas vocation ou envie d’être des acteurs mondiaux. D’ailleurs, à VTA Magazine, nous n’en avons pas l’ambition. Mais avoir la capacité d’aller au-delà de son activité directe, de regarder plus loin que les frontières géographiques, de sortir des carcans doit relever d’une volonté délibérée. Cela doit être une posture. Une culture individuelle et collective. Et VTA Magazine jouera son rôle.