Dans quels domaines la Martinique et la Guadeloupe sont-elles douées ? Comment le font-elles savoir ? Ces compétences sont-elles reconnues et mises au profit des territoires, des entreprises et des hommes ?
Les Antilles Françaises peinent à se faire connaître autrement que par leurs paysages ou leur climat. Leur image est très rarement associée à l’innovation, la créativité ou la modernité. Cependant, il existe un domaine dans lequel la Martinique et la Guadeloupe possèdent un savoir-faire méconnu : la transformation de produits issus du terroir. Malheureusement, la visibilité et la reconnaissance de ces produits et de ces compétences sont loin d’avoir atteint leur potentiel.
Le rhum, une industrie qui s’exporte dans le monde entier
Dans une compétition féroce, le travail des producteurs de rhum agricole ne peut être que salué.
La filière – surtout en Martinique – est l’une des rares à s’être mise en ordre de bataille pour dynamiser la production, innover et finalement distribuer ses produits au-delà des frontières locales. « En vendant le rhum, c’est la destination toute entière que l’on vend », peut-on entendre de la bouche des producteurs. Et pour cause ! Régulièrement sont organisés des voyages de presse aux Antilles, des visites de distributeurs ou de barmen, des compétitions. Résultat : la bouteille de rhum la plus chère en cristal Baccarat ? Clément. Le rhum bio ? Neisson. Les médailles au concours général agricole, encore des rhums antillais.
La « haute chocolaterie » se trouve dans la Caraïbe
Les CV des Frères Lauzéa et de Naomi Martino font pâlir d’envie. Ces artisans transforment les fèves de cacao pour un résultat salué à l’international.
Thierry et Jimmy Lauzéa font partie des 20 maîtres chocolatiers les plus reconnus avec quatre tablettes – l’équivalent d’étoiles pour les restaurants – sur cinq décernées par le Club des Croqueurs.
Naomi elle a été distinguée parmi les 50 meilleurs chocolats du monde par le Guide des Croqueurs de chocolat en 2015 ; a reçu une « Tablette d’or » au Salon International du chocolat en 2014. L’année précédente, elle avait été sacrée « Espoir du chocolat » face à un jury de professionnels.

Crédits : Naomi Martino
La banane, sur la peau et sur les murs
La banane locale souffre d’une mauvaise réputation, au moins aux yeux des Antillais. En cause, la contamination au chlordécone face à laquelle peu d’excuses ont été entendues, peu de responsabilités prises, ni de solutions pérennes proposées pour faire face aux conséquences engendrées.

Crédits : Fibanco
Malgré tout, deux marques martiniquaises issues de la banane méritent notre attention : Kadalys et Fibanco. De quoi s’agit-il ? Green Blade est un revêtement 100% naturel à base de feuilles de bananier produit par l’entreprise Fibanco. Il est utilisé par des architectes et des designers dans des lieux iconiques : à Paris, au café ZA conçu par Philippe Starck, sous la canopée des halles ; à Bordeaux, dans un hôtel ; en Martinique à l’aéroport ou même à Hong Kong. En silence, la marque conquiert les professionnels du secteur avec des produits de Martinique.
Kadalys est la première « marque de cosmétologie naturelle aux actifs de bananier ». En 2014, Kadalys a reçu deux Victoires de la Beauté et s’exporte aujourd’hui jusqu’en Asie !
Le café Bonifieur, l’un des meilleurs
Le café 100% arabica Guadeloupe Bonifieur est un produit rare, recherché en raison de ses qualités gustatives. Il est considéré par les connaisseurs comme l’un des meilleurs cafés au monde avec le Jamaïque Blue Mountain. La marque Malongo ne s’y est pas trompée en s’approvisionnant dans l’archipel.
Par ailleurs, la jeune société guadeloupéenne Just What U Need utilise le marc de café pour ses produits cosmétiques.
Sympa, mais bon…
Et malgré tout, la filière agricole demeure largement sous-estimée, parfois méprisée, par les Antillais eux-mêmes, alors même que les marques concernées sont des porte-drapeaux à l’étranger.
Autre facteur d’amertume, ces réalisations ne sont pas utilisées comme des vecteurs de promotion de la Martinique ou de la Guadeloupe, ou à des degrés encore infimes.
Enfin, l’association « Antilles + excellence + savoir-faire » demeure fragile. Or, si l’on arrivait à rendre synonymes Martinique/Guadeloupe et excellence des entreprises, un grand pas serait franchi.
Il serait intéressant de recenser l’offre, fédérer les acteurs, mettre en valeur les filières et produits de manière concertée et évidemment leur donner de la visibilité, peut-être sous une bannière commune, le « Made in French West Indies ». Qui devra s’en charger ? La Chambre d’Agriculture ou autre ? C’est peut-être cette réponse qui est la plus difficile aux Antilles.