Le tourisme haut de gamme est-il porteur en Martinique ?

Une quarantaine de personnes se sont réunies jeudi 4 juillet 2019 à l’hôtel Simon à Fort-de-France pour assister à la table-ronde intitulée « Le tourisme haut de gamme est-il porteur en Martinique ? ». L’événement était organisé par la société MAJORINE, qui édite Veille Tourisme Antilles.  

La soirée a débuté un peu après 18h par une présentation de l’hôtel par son directeur Tidiane Camara. Après quelques minutes, les participants se sont dirigés en petits groupes vers les étages afin de profiter d’une visite de l’établissement, assurée par l’équipe de celui-ci. Ils ont ainsi pu découvrir l’espace restauration, les salles de réunion et l’appartement situé au 7ème étage.

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Le haut de gamme n’est pas le luxe

Dès le départ, le ton était lancé avec cette question : « y a-t-il une différence entre le haut de gamme et le luxe ? Si oui, laquelle ? ». Sur ce sujet, les trois intervenants présents – Frédérique Dispagne, ancienne directrice du Coq Hôtel**** à Paris ; Gilles Duplan, gérant de La Suite Villa***** aux Trois-Ilets et Douglas Rapier, gérant de Douglas Yacht Services au Marin – ont été unanimes : bien qu’ils partagent des caractéristiques communes, haut de gamme et luxe ne sont pas synonymes.

Les termes renvoient à des produits et services conçus pour une clientèle à fort pouvoir d’achat. Tous deux exigent une qualité de service élevée, un sens de l’attention et du détail pointus ainsi qu’une certaine capacité d’adaptation de la part des professionnels afin de satisfaire les voyageurs.

Cependant, alors que le luxe relève de l’exceptionnel, le haut de gamme demeure plus accessible. Une nuit à La Suite Villa revient ainsi environ à 400€ contre plusieurs milliers d’euros dans les hôtels les plus luxueux de Saint-Barth par exemple. La Martinique dispose donc d’une offre touristique haut de gamme mais pas luxueuse.

Or, y a-t-il une clientèle pour ces produits ? Peu de métriques existent. Il n’existe pas – à notre connaissance – d’étude spécifique sur ce segment en Martinique. On sait que les voyageurs visitant l’île ont un revenu moyen mensuel par ménage situé entre 2100 et 6000€. Ces chiffres pourraient toutefois masquer des disparités puisque la société de Douglas Rapier entretient des bateaux dont la valeur s’échelonne de 150 000 à plusieurs millions d’euros.

Attirer et retenir la clientèle aisée : penser toute la chaîne de valeur touristique 

Les intervenants présents à cette table-ronde sur le tourisme haut de gamme ont insisté sur la nécessité pour la Martinique de renforcer sa notoriété et son image à l’international. Les voyageurs choisissent en effet une destination de vacances avant de se décider pour un hôtel aussi bien classé soit-il. « L’attractivité de la Martinique est le premier filtre », a souligné Frédérique Dispagne. « Un broker m’a expliqué que son client, propriétaire d’un yacht, voulait que soit stationné en Martinique », a expliqué Douglas Rapier, « mais le client ne savait pas où se trouvait l’île ». Le rôle des organes en charge de la promotion de la destination est donc fondamental.

Une fois captés, il convient également de travailler l’ensemble de la chaîne de valeur. Plus simplement : s’assurer que chaque prestation est au niveau de la précédente et que toutes les conditions sont réunies afin que le touriste soit satisfait et dépense.

C’est la raison pour laquelle, en concevant le programme de cette conférence, il nous paraissait pertinent d’inviter des représentants de différents secteurs : hébergement, conciergerie*, services annexes. D’autres auraient également pu être inclus : le transport, les loisirs ou la restauration. « Aucun des maillons de la chaîne touristique ne doit être défaillant », a souligné Gilles Duplan, « à l’hôtel, nous faisons un effort particulier sur l’accueil des clients ». L’expérience de Douglas Rapier s’est aussi avérée intéressante puisqu’une large majorité de ses clients vient se ravitailler en Martinique mais ne reste pas plus de quelques heures sur place (quand ils débarquent !). En cause, selon le spécialiste des yachts, la vie nocturne locale faiblement animée ainsi que l’absence d’un lieu emblématique où la culture locale serait mise en avant. Résultat : les équipages s’ennuieraient. « Ils veulent voir comment on joue aux dominos, manger des produits typiques, faire la fête le soir ». Ce sont autant d’étapes manquantes dans le parcours du voyageur. L’une des participantes, Océane Provost, a proposé que les professionnels se fédèrent en association afin de mieux flécher le séjour du touriste et communiquer autour de l’offre de haut de gamme. La Martinique dispose d’ailleurs d’un atout-maître selon Douglas Rapier : elle est considérée comme plus sûre que d’autres îles de la Caraïbe par les voyageurs.

La gestion des ressources humaines est un défi

Dans le développement touristique de la destination, la formation et la rétention des talents sont clés. Les étudiants tendent à partir pour accéder à des carrières plus prestigieuses hors des frontières locales. Les professionnels sont contraints d’aller chercher des ressources ailleurs et celles-ci ont parfois du mal à s’adapter. Résultat, les acteurs du tourisme sont constamment sur le qui-vive. « Le problème n’est pas propre à la Martinique » a nuancé Frédérique Dispagne, « la filière hôtellerie-restauration, en particulier, offre des conditions de travail dures et des salaires peu valorisés ». Gilles Duplan de La Suite Villa, a martelé qu’il fallait encourager les équipes « bien qu’on n’en fasse jamais assez », a-t-il ajouté taquin. Interrogé par une participante, le directeur a reconnu qu’il regrettait de n’avoir pas assez de personnel martiniquais.

Pour autant, le tableau n’est pas tout noir puisque selon Douglas Rapier, patron de Douglas Yacht Services, les compétences de l’île en matière d’entretien et de réparation des bateaux sont appréciées et reconnues par les propriétaires de yachts, leurs équipages et les professionnels de l’industrie nautique. Il en est d’ailleurs convaincu : il y a des emplois à créer dans ce domaine.

Le haut de gamme : un marché où il faut parvenir à se faire sa place

Alors, le haut de gamme est-il porteur en Martinique ? Difficile d’y répondre en 1h30 mais « nous avons un véritable potentiel », ont répondu les intervenants. A nous d’en être convaincus. Mais il faut du travail, de la constance, la capacité à s’adapter aux demandes et bien sûr, un effort marketing. « Il faut gagner la confiance des clients » a souri Douglas Rapier. Des projets doivent être encouragés afin de renouveler l’offre mais les investisseurs seraient frileux. « Je connais personnellement plusieurs projets qui ont été abandonnés compte-tenu des lenteurs administratives », a regretté Gilles Duplan. Lui-même a indiqué que sept ans se sont écoulés entre l’idée de créer La Suite Villa et l’accueil des premiers clients.

La soirée s’est terminée par un moment de réseautage autour d’un cocktail. Merci à tous les participants et à bientôt !

*Jean-Pascal Pronzola d’Ivory Concierge a eu un imprévu et s’est excusé.