Comment favoriser l’innovation touristique en Outremer ?

La Direction Générale des Entreprises (DGE) a mandaté le cabinet MKG Hospitality afin de réaliser une étude sur l’innovation des entreprises du tourisme au niveau national. Deux objectifs étaient poursuivis :

  • « identifier, analyser et mesurer les tendances de l’innovation dans le tourisme, ainsi que les mécanismes existants de soutien à l’innovation
  • formuler des préconisations et recommandations concrètes pour améliorer l’accompagnement et la diffusion de l’innovation dans le secteur. L’ambition de la DGE étant de favoriser l’émergence, le développement et la diffusion de cette innovation, de manière efficiente, via des dispositifs d’accompagnement existants ou à créer. »

A l’échelon national, 35 000 à 40 000 entreprises innovent dans le tourisme

L’innovation dans le tourisme émane à la fois d’entreprises traditionnelles (hôtels, équipements de loisirs…), mais également d’acteurs pour lesquels le tourisme n’est pas le coeur d’activité principal. Ces acteurs imaginent et vendent des produits ou services à destination de l’industrie touristique. La majorité des entreprises innovantes ont moins de 5 ans et sont des TPE. L’étude fait d’ailleurs ressortir la nécessité d’accompagner ces sociétés pour les aider à grandir et exploiter pleinement leur potentiel.

Les entreprises créatrices d’innovation de rupture sont rares. Il s’agit plutôt de l’adoption de nouveaux modes de commercialisation ou d’amélioration d’expériences touristiques, notamment grâce au numérique. Malheureusement, l’exploitation de la donnée, les produits post-voyage et le tourisme d’affaires, sont des opportunités sous-exploitées.L’importation de modèles américains (Airbnb, Uber…) et leur adaptation au marché français, parfois sur des segments différents, est courante.

Les grandes métropoles créatives, où les écosystèmes dynamiques sont généralement bien ancrés, ainsi que les régions les plus touristiques, sont celles qui parviennent à attirer et retenir les entreprises innovantes.

Le pays manque de compétitivité

Bien que la France soit la 1ère destination mondiale en termes de nombre de visiteurs, ses entreprises touristiques ont pris du retard par rapport à ses concurrents européens. Cela s’explique en partie par le fait que le pays se soit sûrement reposé sur ses lauriers au cours des dernières décennies.

D’autres contraintes freinent l’innovation et sa diffusion : le mille-feuille administratif, la frilosité des investisseurs, le manque d’accompagnement des entrepreneurs, une mentalité trop territoriale ou la non-maîtrise de la langue anglaise.

Des conditions peu favorables à l’innovation aux Antilles

Certains constats se retrouvent en Outremer, et particulièrement en Martinique et en Guadeloupe. L’étude souligne entre autres :

  • le manque de structure d’accompagnement des porteurs de projets touristiques
  • une forte prégnance du politique qui peut ralentir les initiatives entrepreneuriales et/ou limiter l’indépendance de structures en place
  • le manque de mise en relation et rencontres entre entrepreneurs, investisseurs, banques, institutions
  • l’absence d’investisseurs privés et de grands groupes
  • une vision parfois territoriale des entrepreneurs : leur projet s’applique principalement à l’île où ils sont implantés avec peu de potentiel de développement ailleurs
  • une administration complexe qui peut décourager ou faire fuir
  • peu de visibilité sur les données touristiques
  • des institutions qui se révèlent craintives vis à vis du numérique

Quelles solutions ?

L’analyse de MKG est suivie de préconisations : certaines sont valables pour l’ensemble du territoire, tandis que d’autres sont centrées sur les Outremers. Il est notamment recommandé de :

  • mieux accompagner les porteurs de projets touristiques en allant au-delà de l’attribution de subventions
  • faciliter la lisibilité et l’accès aux financements pour les entrepreneurs
  • favoriser des rencontres de l’innovation à l’échelon local
  • encourager l’open data dans le tourisme
  • favoriser la collaboration et les échanges entre incubateurs de l’hexagone et d’Outre-mer
  • créer des rencontres avec les investisseurs
  • créer un incubateur touristique thématique par territoire ultramarin
  • mettre en place des outils de veille et d’observation performants.

La DGE semble prendre le sujet à bras le corps, reste à voir comment, dans les faits, ces recommandations seront mises en place.

NB : J’ai été interviewée dans le cadre de la réalisation de ce rapport et j’approuve la majorité des observations qui ont été faites.